SUR LA LIGNE 3...
Comme tous les matins je me dirigeai vers la bouche de mon métro pour aller bosser. J'ai une sainte horreur de courir ; c'est donc avec une certaine décontraction que je me dirige calmement vers la borne automatique, mon iPod à fond sur les oreilles, mon 20 Minutes sous le bras. Autour de moi, beaucoup de gens courent, doublent, bloquent d'autres personnes à la borne et en énervent d'autres, crient, parlent fort au téléphone... mais je les ignore. En parfait pseudo-autiste, le monde autour de moi se résume uniquement à la musique que j'écoute, à la journée qui s'annonce et à l'espérance de trouver une place assise dans le métro pour entamer la lecture de mon journal quotidien.
Mais alors que j'allais attaquer l'angle des escaliers pour
rejoindre le métro de ma ligne, une jeune femme, apparemment beaucoup
plus pressée que moi, s'étale de tout son long, pile poil devant moi !
La chute a été assez rude et, instinctivement, je ne pus m'empêcher de
me précipiter la voir. De plus, particularité de notre monde très
égoïste, beaucoup passaient devant nous comme s'ils n'avaient rien vu...
Essayant
de se relever tant bien que mal -elle s'était apparemment foulée la
cheville-, je découvris ainsi une jeune femme assez mignonne, 25-28 ans
à peu-près, habillée "tendance" -avec notamment un chemisier cintré
très moulant dont un des boutons avaient pété...-, brune, cheveux longs
bouclés, maquillage discret et bottes à talons haut. (Aie, aie, aie...
Je sais les filles, c'est pas très pratique à porter, ça coûte une
fortune pour en porter des confortables mais... j'adore ça. Une
tendance SM ? Je sais pas, mais une femme avec des talons, ça m'a
toujours excité...)
Sauf que là, ça à coûté un gros gadin à Éléonore
(j'invente son nom...). Je lui propose d'appeler les secours, sors mon
portable mais elle me bloqua dans mon élan en me disant "ça va, c'est
pas la peine". Elle m'offre un splendide sourire gêné mais peut-être
masquait-elle une douleur trop intense tout en essayant de garder une
certaine dignité ? Je l'aide à se lever, ce qu'elle ne refusa pas.
Durant son effort, elle entendit le métro partir et ne pus s'empêcher
de marmonner "tout ça pour un métro...".
On se dirigeait ainsi tous les deux vers la rampe de l'escalier.
Mais visiblement gênée par -autant ?- d'attentions -et sans
arrière-pensées en plus !-, elle m'offrit de nouveau son sourire et me
remercia pour mon aide. En fait, je compris tout de suite que derrière
cette gratitude prononcée, elle désirait "finir" son trajet seule,
apparemment déçue... De quoi ? Des gens qui l'ont ignorée ? du métro
raté ? de cette foulure causée pour essayer d'arriver à l'heure au
boulot ? Je n'en savais rien. Je la laissa, m'assurant une dernière
fois que ça irait pour elle, lui souhaita une "meilleure fin de
journée" -ce qui l'a fait de nouveau sourire- et descendit les
escaliers, direction le quai du métro.
Quelques secondes plus tard,
attendant toujours sur le quai, elle me rejoignit, du moins, à deux
mètres de moi. Je lève les yeux de mon journal et la vit. On se sourit
mutuellement. Puis, son regard se détourna vers le tunnel, au loin,
pour voir si un autre métro arrivait. Je fis de même. J'en profitais
pour regarder le mur des représentations théâtrales -toujours aussi
rempli d'ailleurs-, je lis mon magazine, et leva les yeux de nouveau
vers Éléonore. Elle me regardait. Sourire.
Que faire ?
Le métro arriva. Et merde, quand on l'attend, il est jamais là mais quand on veut qu'il soit en retard, il est à l'heure !
Je
montai dans l'entrée 1 du premier wagon. Elle, dans l'entrée 2. Toujours
à deux mètres de moi. Heureusement pour elle, des places assises
étaient disponibles. Elle s'assit, moi je restait debout, mon
changement de station n'étant pas loin. Je m'adossai contre une des
parois. Commençai à détailler quelques articles du 20 Minutes. Europe.
Déjà, on arrivait à la station suivante. Puis on redémarra. Je lis
encore et leva les yeux... les tourne vers la droite... puis vers elle.
Son regard était perdu au-dehors mais d'un coup, elle se tourna vers
moi et me sourit à nouveau. Je fis de même. On arrivait à Saint-Lazare.
L'horreur, LA gare des banlieusards qui allait remplir d'un coup la
rame. Et ce fut le cas : une masse humaine s'engouffra et me plaqua
contre un pilier.
Je ne la vis plus, trop de monde. Le métro repart.
Et quelques secondes suffirent pour atteindre ma destination.
Havre-Caumartin. Dès l'ouverture des portes, beaucoup sortirent, moi
aussi. Peut-être elle aussi ? Mais sur le quai, je la vis, assise, à
l'intérieur. Elle n'était pas sortie. La scène a alors duré quelques
secondes : elle me dit "merci" d'un signe de la bouche, suivi d'un
sourire et d'un clin d'oeil.
La sonnerie retentit, les portes se refermèrent. Le métro continua son chemin.